Bad-buzz : apparu ces dernières années, le néologisme fait frémir les community managers et trembler les marques soucieuses de voir cette épée de Damoclès peser sur leur précieuse réputation. Il faut dire que le moindre écart peut faire le tour du monde et plonger une marque dans une crise en moins de temps qu’il n’en faut pour rédiger un tweet ou faire une capture d’écran.
Pourtant, en proie aux critiques, quelques marques arrivent parfois à s’en tirer avec les honneurs. Mieux, certaines parviennent à tirer à leur avantage un bad-buzz naissant à force d’audace, de créativité et d’humour.
Retrouvez ici une sélection de désamorçages de bad-buzz à montrer dans toutes les écoles de community managers.
L’affaire de « l’homme nu » débute le 4 janvier 2012 pour la Redoute qui apprend alors, à son grand désarroi, que circule sur son site un visuel faisant figurer un homme dans le plus simple appareil en arrière-plan (en bas à droite sur la photo ci-dessus).
Si la marque ne met que quelques heures avant de retirer la photo et présente ses excuses le même jour, il est bien trop tard pour étouffer l’affaire qui fait rapidement le tour des réseaux sociaux :
Internautes et médias sont alors nombreux à relayer la bévue de la Redoute dans un registre plus ou moins moqueur ou accusateur, avec notamment cette réaction du concurrent des 3 Suisses :
La Redoute va réagir en deux temps : plutôt que d’en rester au communiqué d’excuses, la marque décide de communiquer dès le mois suivant et de tourner l’incident en dérision en publiant une vidéo sur sa page Facebook.
Dans celle-ci, la directrice e-commerce de la Redoute prend la parole pour reconnaître l’erreur de l’enseigne, présenter ses excuses, mais surtout lancer un challenge aux internautes : de multiples erreurs ont été glissées sur les visuels du site, volontairement cette-fois, et les internautes sont invités à les débusquer.
La Redoute joue ainsi la carte du second degré pour redorer le blason de l’enseigne tout en augmentant astucieusement le trafic sur son site avec ce jeu de piste digital. La récompense à la clé est toute trouvée : les gagnants seront habillés gratuitement des pieds à la tête.
La prise de parole de la Redoute en février 2012 pour lancer le concours :
L’opération retournement de situation semble être un succès, quelques années plus tard la vidéo « Les fails de La Redoute » totalise plus de 269 000 vues et de nombreux commentaires dont une majorité saluant la réaction de l’enseigne :
En 2013 l’équipe du Décathlon de Saint-Dié bien inspirée a l’idée de mettre en ligne un lip-dub sur l’air entêtant de « Call Me Maybe » :
Malheureusement le résultat n’est pas du goût de tous les internautes qui sont alors très nombreux à relayer la vidéo accompagnée de commentaires ironiques :
Ou encore :
Pourtant plutôt que de supprimer la vidéo et d’adopter la politique de l’autruche en attendant que l’orage passe, le Community Manager de Décathlon assume pleinement en répondant à de nombreux commentaires avec humour :
Et l’enseigne va même jusqu’à afficher la vidéo en page d’accueil de sa chaîne youtube :
L’exemple suivant démontre encore une fois que le fait d’assumer une communication audacieuse peut s’avérer payant dans une certaine mesure, en y ajoutant une certaine dose de cynisme cette fois.
En cause, une affiche déployée dans le métro londonien par la marque de compléments alimentaires Protein World à l’approche de l’été 2015 et qui interpelle les spectateurs : « votre corps est-il près pour la plage ? » :
Les réactions ne se font pas attendre sur les réseaux sociaux et une pétition exigeant le retrait des affiches recueille plus de 70 000 signatures :
La controverse va même inspirer la marque de bière Carlsberg qui détourne l’accroche de l’affiche :
« Are you beer body ready ? »
Face à l’ampleur de la polémique, Protein World ne cherche pas à apaiser les réactions mais au contraire persiste et signe en assumant pleinement sa campagne. La marque répond ainsi aux internautes avec parfois une certaine dose de provocation face aux critiques, invitant par exemple une internaute à « grandir » :
Si la marque ne s’est certainement pas fait d’amis chez les féministes, la stratégie s’avère payante, le CEO de Protein World répondant personnellement aux critiques sur Twitter en se félicitant d’avoir vu ses ventes tripler grâce à cette campagne, avec à la clé un bonus pour son département Relations Presse :
Le cas Protein World nous invite ainsi à relativiser la notion de « bad buzz » en démontrant que la relation entre le volume de critiques formulées en ligne et l’évolution des ventes peut s’avérer subtil.
La marque d’hygiène féminine Bodyform se trouve dans l’embarras lorsqu’en 2012 un internaute malicieux publie sur sa page Facebook britannique un commentaire tout en second degré. Ce-dernier fait part de son désarroi en découvrant le décalage existant entre la vision idéalisée projetée par Bodyform sur la période des règles dans ses publicités et la réalité qu’il a pu découvrir plus tard avec sa copine :
Quelques 100 000 likes d’internautes amusés plus tard, Bodyform ne peut ignorer le commentaire et répond dès la semaine suivante en postant une vidéo tout aussi décalée que le post de l’internaute :
Pleine de second degré, la réponse de Bodyform est un succès retentissant puisque la vidéo dépasse les 5 millions de vues et les commentateurs saluent unanimement l’autodérision et le parti pris de la marque :
Quelques enseignements à tirer de ces exemples : en cas de polémique naissante, reconnaître ses erreurs (voire les assumer et les revendiquer comme un parti pris dans le cas de Protein World), ne pas hésiter à répondre à l’humour par l’humour, à la dérision par la dérision, et surtout savoir faire preuve d’audace et de créativité afin de rebondir.